19 avril 2024

Les gens ne savent pas écouter

Une exploration du Travail de Byron Katie

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Mai 2020

Depuis la mort du papa de ma fille il y a trois semaines, je rumine, je fatigue, je suis épuisée par le flot d’histoires, de pensées, d’émotions, de sensations dont je me sens assaillie.

Je me sens privilégiée à pouvoir, à avoir la possibilité d’observer ce mental qui me surprend en chaque instant par sa puissance, par toute la vie dont il est animé. et sur lequel j’ai peu de prises ; ce mental, et son fonctionnement, dont je n’avais même pas idée il y a 4 ans, avant la rencontre avec le Travail de Byron Katie. Ce mental qui n’est pas « moi », et par lequel je me défini, me raconte. 

Sans doute ai-je de la chance  d’avoir accès à tant de sensations physiques, qui, bien que douloureuses à vivre, sont des signaux d’alarme qui me disent que quelque chose ne va pas.

Je suis collée à cet état, je ne sais pas comment m’en défaire, j’observe le vouloir s’en défaire, le vouloir que cela soit autre, qu’un autre état serait mieux, plus juste, plus agréable, moins douloureux. Et ce « je veux » innocent m’enferme ou plutôt m’éloigne d’une présence dans l’instant.

La vie, dans tout ce que j’appelle dureté, m’apporterait-elle vraiment ce dont j’ai besoin?

Je peine à le croire. La mort a encore frappé à la porte de ma vie.

Après mon père, après ma mère, c’est maintenant le père de ma fille qui est mort. Et j’enrage, et je rage et je lutte contre cette rage.

Parce que je voudrais être en paix avec la réalité, et que dans cette réalité il ne devrait pas y avoir souffrance, parce que je devrais avoir compris que la mort et la vie s’est pareil, parce que si je souffre c’est parce que je crois en mes pensées. 

So what ? Et si cela ne pouvait pas être autrement dans l’instant.

Cela a-t-il aussi le droit de vivre ? 

Et la réponse est sans aucun doute OUI ! Et c’est, je le sens, je l’éprouve, à partir de là que je peux me poser, me reposer, m’écouter. Etre en paix avec la réalité. 

Hier, avec le soutien de Margot qui m’accompagne par le Travail dans cette phase de vie éprouvante, je parlais, je parlais, je parlais et je pleurais, je pleurais, je pleurais. Et il était doux de sentir la présence et l’écoute littérale de Margot

J’ai aimé sa question : Souhaites-tu faire autre chose aujourd’hui ? De quoi as-tu besoin ?

Et le besoin s’est fait ressentir, de pratiquer le Travail, car une Murièle que je perds de vue parfois sait intimement combien elle trouve la paix dans la pratique. Et cela, même si cette pratique révèle des parts qui ont mal, des parts qui n’ont pas envie d’être vues – est-ce vrai ?, des parts qui se défendent et trouvent des parades pour être tues.

Tandis que je déballe, Margot récolte. Une Feuille de travail se présente car 1. j’en ai marre à cause des gens qui ne savent pas écouter. 2. Je veux qu’ils se taisent. Je veux qu’ils écoutent, point. 3. Ils ne devraient pas avoir besoin de commenter, d’analyser, de refléter. Ils devraient écouter et savoir se taire. 4.J’ai besoin de leur présence silencieuse et bienveillante. J’ai besoin qu’ils m’appellent. J’ai besoin qu’ils pensent à moi, qu’ils manifestent leur présence. 5. Ils sont égocentrés. rejetants, décevants. 6. Je ne veux plus jamais me voir aussi rejetante qu’eux, être violente avec eux. 

Le soulagement d’avoir pu dire ces pensées. Leur avoir donné le droit d’exister. Les poser sur le papier, en prendre bien soin. Ne pas en avoir honte. 

La deuxième partie de la pratique du Travail de Byron Katie peut commencer, par les 4 questions. 

Les gens ne savent pas écouter. 1. Est-ce vrai : oui. 2. puis-je absolument savoir que c’est vrai : non

3. Que se passe-t-il ? Comment je réagis lorsque je crois à cette pensée ? 

Faire silence en moi, laisser venir les images et sensations de différentes situations précises qui se sont déroulées récemment, depuis la mort du père de Marie. 

Je vois la séparation et mon rejet des autres. Je vois comme je les méprise. Je dis que cela ne me va pas. Il y a des conflits, des séparations.  Dans mon ventre il y a une boule. dans la poitrine aussi, au plexus et je sens de la colère qui monte. Je ne m’aime pas et je n’arrive pas à faire autrement. Dans le futur, j’ai peur de me séparer des autres qui me sont chers. Je vois la séparation. Tristesse. Je me sens coupable. Je me traite comme celle qui a compris et les autres ne sont pas conscients de leur besoin de parler. Je n’ai plus d’amour en moi. J’ai du mépris pour les psy, qui ne peuvent pas s’empêcher de tout reformuler (Pensée sous jacente). Je suis la pauvre qui n’est pas entendue vraiment. Dans le futur je serai seule. Dans le passé j’ai vécu des conflits similaires, des relatons se sont stoppées et je crois que c’est à cause de mon exigence. (Pensée Sous Jacente (PSJ)  : c’est de ma faute si les relations se sont arrêtées. J’ai fait quelque chose de mal)

4. Qui serai-je sans la pensée ? Faire silence à nouveau. Faire de la place pour laisser la réponse venir, se formuler en moi. Sans la pensée je serai une femme qui écoute. Je percevrai la compassion et l’attention de celles et ceux qui m’écoutent. Je serai patience et bienveillance, connectée. J’entends des sons de voix. Je suis curieuse de ce que je peux apprendre. Le corps se détend et ça respire.

Retournements de la pensée initiale : Les gens ne savent pas écouter 

Je ne sais pas m’écouter. Cela est aussi vrai et même plus vrai.

Exemple: Dans les situations, j’attaque avant de faire silence en moi. Je ne sais pas m’écouter lorsque je continue à vouloir être en lien et vouloir être en silence en même temps. Je ne sais pas écouter toutes les voix qui s’agitent dans ma tête, qui me jugent, qui attendent de moi de faire autrement. Je ne sais pas m’écouter lorsque mon plexus est serré le matin au réveil et que je m’active. Je ne sais pas écouter la douleur et ce qu’elle a à dire. Je ne sais pas m’écouter lorsque je souffre de cette mort, et que la tristesse m’atterre, et que je voudrais la mettre de côté, être plus évoluée. Lorsque je suis en colère contre ceux qui n’ont pas été confronté à la mort, lorsque je compare. 

Je ne sais pas écouter les gens : C’est aussi vrai, et même plus vrai : Je juge leur propos d’emblée. Je ne me laisse pas imprégner de ce qu’ils ont à partager, à m’apprendre. J’interromps très vite. J’attends quelque chose. Je suis envahie par des émotions qui empêchent l’écoute. 

Les gens savent écouter : Oui, c’est tout aussi vrai et même plus vrai. Je me souviens de l’écoute de ma sœur, de plusieurs amies proches. Ils ne sont pas sourds. Ils savent écouter. Ils me connaissent et connaissent mon besoin, et me laisse le temps. Ils savent écouter et mettre une certaine distance (mon parrain) quand la rencontre est difficile. Ils savent écouter et dire ce qu’ils pensent et croient à ce moment-là. 

Le processus de travail est terminé pour cette première pensée. La suite est prévue pour le lendemain. « Je veux que les gens se taisent »,  » je veux qu’ils écoutent, point »

Margot me demande alors  qu’elle serait une bonne écoute des autres. Je partage mon envie de silence, qu’il n’y ait plus de reformulation, d’interpréation, de partage de sa propre expérience. L’invitation de Margot pour les 24 prochaines heures avant notre prochain rendez-vous. (et je me l’approprie pour les prochains jours), c’est d’écouter ce qui se déroule en moi, en silence, sans interprétation, sans jugement, sans reformulation. 

Le retournement vivant se fait en moi le lendemain matin. Comme à l’accoutumée, je me réveille angoissée. J’écoute ce qui s’exprime. J’entends dire « je ne veux pas vivre ». Et je fais silence.

J’écoute encore les personnages qui se parlent dans ma tête. Et de les écouter les ramène au silence. Et une nouvelle histoire se crée, que j’écoute et qui se tait.

Je me sens heureuse de m’offrir cette écoute. 

L’expérience me procure les réalisations suivantes : m’occuper de mes affaires, rester en amour avec ces autres à qui je fais des reproches, et d’être à l’écoute de cette Murièle là qui a tant besoin d’être écoutée. Lui faire de la place, lui donner de l’amour